
Paru aux éditions Harmattan, l’essai politique de Me Saïd Larifou, avocat et figure de la diaspora comorienne, est un cri de vérité contre les dérives autoritaires du régime en place aux Comores. Avec une préface incisive signée de l’ancienne ministre kenyane Martha Wangari Karua, l’ouvrage retrace avec minutie les mécanismes de la démolition d’une nation.
Un livre qui dérange, une voix qui persiste.
Dans Chronique d’un régime dictatorial aux Comores – La démolition d’une nation, Me Saïd Larifou dresse un portrait accablant du régime du colonel Azali Assoumani. Loin d’un pamphlet à charge, l’ouvrage s’affirme comme un acte de résistance intellectuelle. Il s’adresse à la mémoire collective d’un peuple éprouvé et à la conscience d’une Afrique toujours en lutte contre l’impunité des puissants.Préfacé par Me. Martha Wangari Karua, figure emblématique de la défense des droits humains au Kenya, cet ouvrage engagé et satirique invite à une lecture lucide et courageuse de la situation politique comorienne. « Dénoncer n’est pas haïr. C’est espérer », écrit-elle. « Espérer un sursaut. Espérer la fin de l’impunité. Espérer des Comores libres, justes et souveraines. »

Une radiographie implacable d’un pouvoir militaire déguisé en démocratie.
L’ouvrage s’articule autour de dix chapitres riches, documentés et dénonciateurs, retraçant les étapes de la prise de pouvoir d’Azali Assoumani et les dérives successives de son régime depuis son retour en 2016. Un chef d’œuvre littéraire qui appelle à la conscience citoyenne, mais également un plaidoyer à la solidarité internationale pour libérer un pays des geôles d’un pouvoir qui se dresse comme un épouvantail contre tout un peuple. Dès les premières pages, l’auteur revient sur les coups d’État successifs, les manipulations électorales, la réécriture controversée de la Constitution et l’étouffement systématique des contre-pouvoirs. Il y démontre comment le régime a détruit les fondements de l’État de droit, imposant un pouvoir personnel bâti sur la peur, la répression et la corruption et ses corollaires.*Une société muselée, une justice aux ordres, une opposition martyrisée*Dans Chronique d’un régime dictatorial aux Comores, Me Saïd Larifou dresse un tableau glaçant d’une société progressivement étouffée par la répression. Loin d’une simple dénonciation verbale, son analyse repose sur une documentation solide, enrichie de témoignages directs d’exilés politiques, d’anciens détenus, de journalistes réduits au silence et de familles brisées par la répression. Il met en lumière un système répressif bien rodé, où les arrestations arbitraires ne relèvent plus de l’exception mais sont devenues une stratégie d’intimidation généralisée. Des leaders d’opinion, des défenseurs des droits humains, des chefs religieux, voire de simples citoyens exprimant des critiques sur les réseaux sociaux, ont été jetés en prison sans procès équitable, parfois torturés, souvent privés de tout contact extérieur. Le droit à un avocat est bafoué, les procès sont expéditifs, et les décisions de justice dictées en coulisse par le pouvoir exécutif.La presse, naguère plurielle et relativement dynamique, a été méthodiquement muselée. Les radios indépendantes ont été fermées, les journaux critiques interdits de publication, et les journalistes poursuivis ou forcés à l’exil. La peur s’est installée jusque dans les rédactions, et l’autocensure est devenue une règle de survie. Le régime a imposé un monopole de l’information, où seule la propagande officielle a droit de cité. La justice, quant à elle, est instrumentalisée à des fins politiques. Magistrats nommés pour leur loyauté, dossiers classés sans suite quand ils concernent des proches du pouvoir, condamnations disproportionnées quand il s’agit d’opposants. La séparation des pouvoirs est de facto abolie, remplacée par une logique de soumission et de clientélisme.Dans ce climat d’oppression systématique, l’opposition politique a été littéralement martyrisée : partis interdits, responsables emprisonnés, rassemblements dispersés à coups de gaz lacrymogènes et de balles réelles, structures démantelées, leaders en fuite. Certains témoignages recueillis par Me Larifou évoquent des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées, souvent niées par le pouvoir, mais largement documentées par les organisations de défense des droits humains. Ce chapitre du livre résonne comme un acte d’accusation contre un régime qui a substitué la peur à la démocratie, la violence à la légitimité, et l’arbitraire à la justice. En redonnant la parole aux victimes et aux oubliés, Me Saïd Larifou fait œuvre de mémoire et jette une lumière crue sur les dérives d’un pouvoir qui, tout en prétendant incarner la stabilité, a en réalité plongé les Comores dans une spirale de terreur, d’isolement et de décomposition institutionnelle. Un tableau sombre et apocalyptique qui interpelle la communauté internationale et les institutions internationales des droits de l’homme. *Économie capturée, népotisme érigé en système, peuple appauvri*L’un des volets les plus accablants du livre réside dans la description d’une économie confisquée par un clan, où les finances publiques sont dilapidées, la dette s’envole, et les affaires de corruption sont légion. Me Larifou dénonce en particulier l’emprise de la famille présidentielle, notamment du fils Nour El Fath Azali, accusé d’avoir transformé les institutions en entreprise familiale. Dans ce tableau sombre, le quotidien des Comoriens apparaît tragique : chômage endémique, infrastructures délabrées, système de santé en ruine, famine rampante.*Une diaspora marginalisée, une diplomatie erratique*Le livre revient également sur la relation troublée entre le régime et la diaspora comorienne, souvent perçue comme une menace par les autorités. Me Larifou pointe des pressions économiques, des persécutions transnationales, ainsi que des scandales liés à la vente frauduleuse de passeports.Sur le plan international, la diplomatie comorienne est décrite comme incohérente, faible et soumise, notamment dans sa relation ambivalente avec la France au sujet de Mayotte, et dans l’échec cuisant du mandat d’Azali à la tête de l’Union africaine, qu’il qualifie d’opportunité ratée pour son pays.*Une lumière dans la nuit : le peuple résiste*Malgré ce sombre panorama, Chronique d’un régime dictatorial aux Comores ne sombre pas dans le désespoir. L’auteur croit en la résilience du peuple comorien, à l’émergence d’une jeunesse consciente, à la capacité de la diaspora à jouer un rôle moteur dans la reconstruction du pays.Dans le dernier chapitre, Me Larifou esquisse des pistes de transition politique, appelle à des réformes profondes, et plaide pour un véritable renouveau démocratique aux Comores.*Un acte de mémoire et d’engagement*Ce livre se veut une contribution contre l’oubli. Il s’inscrit dans une tradition d’engagement citoyen et d’appel à la responsabilité historique. Loin d’un règlement de comptes, c’est un livre-document, un livre-vérité, qui interpelle la conscience collective africaine sur les dangers de l’autoritarisme.Me Saïd Larifou, qui avait déjà porté le combat devant les tribunaux français contre Bob Denard, signe ici un ouvrage d’une portée politique, juridique et morale, où le devoir de mémoire rejoint celui de vérité et de justice.À lire absolument pour quiconque s’intéresse à l’avenir démocratique des Comores, à la lutte contre les régimes autoritaires en Afrique, et à la défense des droits fondamentaux des peuples.