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Société civile, souveraineté et justice : l’avocat Saïd Larifou interpelle sur l’affaire Touzet à Madagascar

L’affaire opposant la société française Touzet aux autorités malgaches continue de faire grand bruit. À la croisée des enjeux économiques, juridiques et géopolitiques, elle cristallise les tensions entre logique de souveraineté nationale et respect des engagements contractuels internationaux. Interrogé à ce sujet, l’avocat franco-comorien Me Saïd Larifou a livré une analyse percutante, interpellant les autorités malgaches et appelant à une prise de responsabilité collective.*Implantée depuis plusieurs décennies à Madagascar, la société Touzet, spécialisée dans les travaux publics, a réalisé divers chantiers d’envergure dans le pays, sur la base de contrats dûment signés avec les autorités malgaches. Cependant, selon Me Larifou, plusieurs de ces travaux, bien qu’exécutés et validés par expertise, n’ont pas été réglés à ce jour, ce qui constitue un manquement grave aux obligations contractuelles. « Ce qui est contesté par la société Touzet, ce n’est pas la résiliation d’un contrat en soi — ce droit est reconnu à toutes les parties — mais le non-paiement de travaux réalisés, validés, et facturés en bonne et due forme. »L’avocat souligne que la justice malgache reconnaît l’existence des travaux et la conformité des factures correspondantes. Dès lors, la demande de Touzet n’est ni politique, ni abusive : elle est strictement fondée sur le droit et sur la reconnaissance du travail accompli.*Une affaire symptomatique de la tension entre souveraineté et justice*Certains observateurs évoquent une volonté de reprise en main souveraine par l’État malgache, dans un contexte où plusieurs pays africains s’orientent vers la nationalisation de certains secteurs, ou remettent en cause des partenariats jugés déséquilibrés. Me Larifou reconnaît le droit des États à revoir leurs politiques de développement et à privilégier leurs intérêts, mais met en garde contre une confusion entre souveraineté et injustice. « Le panafricanisme ne doit pas être le paravent de l’injustice. Ce n’est pas en privant une entreprise étrangère de son dû, après qu’elle a contribué au développement local, que l’on construit une Afrique forte. »Il s’insurge contre une forme d’indifférence qui semble s’installer face à la situation de Touzet, entreprise qui, selon ses propos, a pourtant respecté toutes les règles du jeu. Il évoque également le sort de plus de 2000 employés, autrefois liés à Touzet, désormais au chômage et laissés pour compte.*Silence français et mobilisation judiciaire*Autre point de crispation soulevé par l’avocat : la posture des autorités françaises. Malgré la signature d’un protocole d’accord entre Paris et Antananarivo pour protéger les intérêts des entreprises françaises opérant à Madagascar, Me Larifou regrette un manque de réactivité de la part de l’État français dans le dossier Touzet. « L’État français, garant des droits de ses ressortissants à l’international, ne peut rester indifférent. La société Touzet n’a pas bénéficié de passe-droits. Elle a juste travaillé, comme toute entreprise sérieuse. »Face à cette inertie, des initiatives judiciaires sont en préparation, indique l’avocat. Celles-ci pourraient être engagées au niveau international afin de contraindre les autorités malgaches à honorer leurs engagements.*Une interpellation sur le rôle de la société civile africaine*Enfin, en tant qu’avocat mais aussi panafricaniste engagé et acteur de la société civile aux Comores, Me Saïd Larifou appelle à une prise de conscience plus large sur le continent. Pour lui, les dérives actuelles dans la gestion des partenariats économiques illustrent un affaiblissement de la société civile, trop souvent mise à l’écart ou muette face aux décisions d’État. « La société civile africaine doit jouer pleinement son rôle de veille, de critique et de proposition. Défendre la souveraineté, oui. Mais pas au détriment de la justice. »L’affaire Touzet n’est pas seulement une querelle contractuelle entre une entreprise française et l’État malgache. Elle interroge plus largement la place de la justice dans les rapports économiques, le rôle de la société civile africaine, et les équilibres à inventer entre souveraineté et responsabilité. Dans cette tension, la voix de Me Saïd Larifou rappelle que le panafricanisme ne doit pas devenir le masque d’un désordre juridique, mais rester le creuset d’une Afrique juste et digne.

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