Tchad : la tournée américaine de Me Saïd Larifou

Le régime Kaka sous forte pression
La récente tournée aux États-Unis de Me Saïd Larifou, avocat du président du parti Les Transformateurs, Succès Masra, fait trembler les murs du palais présidentiel de N’Djamena. Ce déplacement diplomatique et judiciaire, hautement stratégique, a placé le régime de Mahamat Idriss Déby Itno dit Kaka dans une position de plus en plus inconfortable face aux critiques grandissantes de la communauté internationale.
Une dénonciation qui prend de l’ampleur
Au cœur de sa mission, l’avocat franco-comorien a multiplié les rencontres et plaidoyers pour alerter sur ce qu’il qualifie de « poursuite politique arbitraire » visant son client. Pour Me Larifou, l’affaire n’est rien d’autre qu’un règlement de comptes politique destiné à neutraliser l’une des figures montantes de l’opposition tchadienne.
Ce discours a trouvé une oreille attentive au sein de plusieurs cercles diplomatiques américains et européens. À Washington comme à Bruxelles, des diplomates commencent à s’interroger ouvertement sur la légitimité et les méthodes du pouvoir tchadien. Une évolution rare, dans un contexte où le Tchad bénéficie souvent d’une indulgence internationale en raison de son rôle militaire dans la lutte antiterroriste au Sahel.
Panique au sommet de l’État
Face à la tournure inattendue des événements, le président Mahamat Kaka aurait convoqué en urgence ses principaux collaborateurs. Parmi eux : Ismaël Lony, directeur général de l’ANSE, Aziz Mahamat Saleh, secrétaire général du MPS, Mahamat Ahmat Alhabo, garde des sceaux, mais aussi Abderamane Koulamalha, l’un de ses proches conseillers politiques. Objectif : obtenir des explications.
Car, selon nos sources, le chef de l’État avait été convaincu que l’éviction politique de Succès Masra suffirait à clore le dossier. Ses stratèges lui avaient vendu un scénario simple : neutraliser l’opposant par la voie judiciaire, puis, à terme, lui accorder une grâce présidentielle à visée symbolique, l’empêchant néanmoins de se présenter à la prochaine présidentielle. Une manœuvre jugée habile sur le papier, mais qui aujourd’hui semble se retourner contre ses concepteurs.
L’effet boomerang
Au lieu de se refermer dans le silence habituel, le dossier Masra s’est internationalisé. L’image du Tchad, déjà fragile sur le plan démocratique, se retrouve exposée sous un projecteur mondial. Pour la première fois, des chancelleries occidentales parlent de « déni de justice » et d’« instrumentalisation des institutions ». Un discours qui menace de fissurer le bouclier diplomatique dont le régime de Kaka bénéficiait jusqu’alors.
Selon un observateur tchadien basé à Paris, « Kaka ne comprend pas la rapidité avec laquelle le dossier a pris cette tournure. Il pensait agir en terrain connu, mais il réalise aujourd’hui que Succès Masra est devenu une figure internationale, et que chaque faux pas est scruté et relayé ».
Un régime fragilisé

Cette montée des pressions inquiète le cercle présidentiel. Mahamat Kaka, d’ordinaire sûr de lui, serait désormais en proie au doute, interrogeant sans relâche ses conseillers. La situation échappe à son contrôle, et les lignes de fractures commencent à apparaître au sein même de son entourage.
L’affaire Masra illustre ainsi la fragilité du régime. Elle démontre que les méthodes de mise à l’écart des opposants, qui fonctionnaient autrefois dans un relatif silence, ne passent plus inaperçues.
Une chose est certaine : le vent tourne à N’Djamena. Et pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, Mahamat Kaka semble vaciller.